Je cite :
"Texte proposé au journal Le Marin du 18 septembre 2009 pour être diffusé.
Censuré. Ce n’est pas la première fois.
Point de vue Lundi 14 septembre 2009
Le paradis perdu : la grande illusion
En ce qui concerne l’affaire de la SNRH (Société nouvelle de remorquage du Havre), prenant mes responsabilités, je donne le point de vue d’un des responsables des associations maritimes nationales ou internationales qui subissent la réserve à leur encontre des syndicats ; parfois à juste titre. L’association prend souvent en compte ce que le syndicat rejette, faute de temps ou de connaissance.
Ce que je craignais dès les débuts de la SNRH, le combat fratricide maritime, est arrivé. L’ours du sérail SNRH a regardé par-dessus le mur et a aperçu l’ours de Bourbon (devenu Boluda) bien dodu, ce qui a suscité son envie et le mal être dans sa compagnie qui n’en avait pas besoin.
Bien que précisant à nos adhérents que la SNRH ne pouvait pas fournir le même statut qu’une boîte centenaire comme Bourbon, leur syndicat maison se constituant une belle pelote grâce à un syndicalisme de proximité impératif et égoïste. Dans la marine marchande, plus longtemps les marins étaient absents, moins ils avaient d’avantages ; les absent ont toujours tort.
Ce que notre association recherche, c’est le CDI (contrat à durée indéterminée) afin de favoriser les prêts bancaires permettant d’accéder à la propriété pour élever ses enfants et assurer ses vieux jours. Les reproches envers la direction de la SNRH ressemblent fort aux gémissements des Israélites dans le désert regrettant les oignons verts et les piments des marchés d’Egypte.
Au plan de l’emploi maritime, où en sommes-nous aujourd’hui ? 200 bateaux sont au Rif (Registre international français) qui ne recrutent à l’équipage que des Philippins et consorts. Reste l’offshore où il faut être au dessous des premières rides, jeune, endurant, compétent pont et machine, souple pour rester au chômage, le temps d’un nouvel embarquement hypothétique.
Il reste les passages d’eau d’avril à septembre ; après, c’est l’inscription à l’ANPE et au BCMOM (Bureau central de la main d’œuvre maritime) à Paris. D’autres navires de servitude ont les mêmes exigences, sans CDI généralisé.
En fin de compte, il n’y pas grand-chose pour s’assurer un avenir maritime honorable pérenne. Du côté des officiers, les marins de formation supérieure ont tout de même des propositions en général correctes au niveau de l’emploi. Sils n’habitent pas Marseille ou Le Havre, seuls des parents financièrement aisés peuvent envoyer leurs enfants aux cours.
Je connais bien l’histoire de la Bretagne. C’est la première fois que les matelots, ouvriers et maîtres se voient refuser d’embarquer au long cours sur des navires dits français immatriculés à Marseille. Quant aux officiers, l’évaporation au profit du pilotage, du remorquage et des emplois à terre est bien connue.
La culture marine marchande est morte à l’égal d’autres cultures, les jeux électroniques en étant une des causes.
Voilà le point de midi aujourd’hui : c’est la chanson de l’alors ravissante Danièle Darrieux « Le Paradis perdu » et le film magistralement interprété par Eric von Stroheim et Pierre Fresnay : « La grande illusion ». La ligne bleue des Vosges à disparue, c’est la ligne de la Finlande avec les rennes; Eric von Stroheim, c’est l’armateur terre-à-terre qui bâtit des tours de Babel financières d’avance condamnées par le bon sens ; et Pierre Fresnay, c’est le marin qui croit au père Noël : le droit est européen, la pratique est, légalement, à la sauce hollandaise. Ou alors, où est le droit s’il est différent au Havre et à Rotterdam ?
Dans l’immédiate après guerre, on naviguait sans complexe dans des petites compagnies, éloigné de son domicile pendant une année. On se sacrifiait durement pour fonder famille, maison et achats de livres indispensables pour s’informer. Tout était franco-français dans un empire hyper protégé ; aujourd’hui, c’est européen et il faut partager avec les pays les plus pauvres. Dur, dur.
Pour embarquer au remorquage, il fallait au moins une lignée de parents ayant pratiqué cette profession au temps d’Abraham. Les « gros » brevetés ont remplacé les « petits brevetés » maintenant au chômage parce que les places au long cours délaissés par leurs collègues leur sont inaccessibles.
Notre philosophie associative est qu’il n’y a rien de trop beau en documentation moderne pour nos adhérents. Et rien ne vaut le sacrifice d’assurer la survie de notre patrimoine, remisé dans un coin, sauf, c’est un exemple, dans un journal comme « Le Marin » qui n’hésite pas à traiter systématiquement de la mémoire de l’histoire depuis 1980 : 30 années d’articles précieux ! Sans oublier les revues mensuelles brillantes qui nous sont consacrées. Nous-mêmes nous assurons notre vécu depuis 1945.
C’est dans cet esprit que nous avons souvent sollicité m. Pascal Riteau, directeur de la SNRH que je connais bien depuis de nombreuses années. C’est un marin avisé qui travaille avec les moyens du bord, pas du tout l’aspect du personnage qu’on lui prête devenu le bouc émissaire idéal. Hier, c’était dans notre métier le lac Léman au repos ; aujourd’hui, chacun le sait, c’est le gros temps comme pour un navire descendant la Seine et abordant la rade du Havre secouée par les rafales, route sur Ouessant.
Je salue le courage, bien que téméraire, de m. Bourgeois. Le syndicalisme ? Oui, mais pas maison au point de refuser toute concurrence et de tuer la poule aux œufs d’or ; les capitaux des compagnies européennes, à défaut d’être françaises par frilosité, nous sont indispensables. Le souci dans notre association maritime, c’est le service aux candidats à la profession maritime et à ceux en recherche d’emploi. Il est difficile d’aller plus bas et nous avons apprécié les emplois de la SNRH.
Roger Courland, président de l’Association des navigants de la communauté européenne (ANAC)
ANAC
BP 217
22504 PAIMPOL CEDEX"